La cession de parts sociales est une étape cruciale dans la vie d’une société, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME). Ce processus peut parfois soulever des questions juridiques complexes, notamment lorsqu’il manque la signature du cédant. Cet article vise à éclairer les dirigeants de PME sur la manière de prouver une cession de parts sociales sans la signature du cédant, en s’appuyant sur une jurisprudence récente de la Cour de cassation.
La Cession de Parts Sociales : Un Cas Pratique
En mars 2009, l’intégralité des parts sociales composant le capital d’une Société Civile Immobilière (SCI) est cédée pour 2 000 €, une somme modeste. Dix-huit mois plus tard, la SCI vend l’immeuble dont elle est propriétaire pour 1 million d’euros. C’est alors qu’un des anciens associés de la SCI conteste la validité de la cession des parts, affirmant ne pas avoir signé l’acte de cession et réclame des dommages-intérêts à l’acquéreur des parts.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 4 juillet 2024 (Cass. 3e civ. 4-7-2024 n° 23-10.534 FD), rejette cette demande. La Cour rappelle que, bien que la cession de parts sociales doive être constatée par écrit selon l’article 1865 du Code civil, cette exigence n’est pas une condition de validité de la cession, laquelle est valablement formée par l’échange des consentements .
Dans cette affaire, la cession litigieuse était soumise au droit commun de la preuve. La Cour de cassation a constaté que la preuve de la cession ne résidait pas dans l’acte de cession contesté, non signé par le cédant, mais dans une attestation datée d’octobre 2009. Cette attestation mentionne spécifiquement la cession des parts sociales de l ‘intéressé et certifiait le rachat de son compte courant au sein de la SCI.
Ce document constitue un commencement de preuve par écrit , susceptible de suppléer l’absence de l’acte de cession écrit. De plus, il était corroboré par le comportement de l’ancien associé, qui ne s’était pas étonné de ne plus être convoqué aux assemblées générales ni de ne plus recevoir de documents relatifs à la vie de la société de 2009 à 2014. Ce comportement démontrait qu’il savait avoir cédé ses parts sociales depuis plusieurs années.
La signature de l’attestation ayant été certifiée par un fonctionnaire municipal en présence de l’intéressé, muni d’une pièce d’identité sur laquelle figurait une signature précédente, la Cour a jugé que l’attestation était authentique. Ainsi, il n’était pas nécessaire de recourir à une procédure de vérification d’écriture, comme le demandait le cédant.
La Cour de cassation a rappelé que la cession de parts sociales est parfaite dès l’accord de volonté des parties, même sans acte écrit. Selon le droit commun de la preuve (articles 1361 et 1362 du Code civil), cette preuve peut être apportée par un début de preuve par écrit, c’est-à-dire un document émanant de celui qui conteste l’acte et corroboré par d’autres éléments, comme le comportement du cédant.
Bien que le juge doive en principe vérifier l’écriture contestée, il peut s’en distribuer s’il dispose d’éléments de conviction suffisants. C’est ce qui s’est produit dans cette affaire, où l’attestation et le désintérêt du cédant pour la société ont suffi à prouver la cession.
Conclusion
Pour les dirigeants de PME, il est essentiel de comprendre que la cession de parts sociales peut être prouvée même en l’absence de signature du cédant. La jurisprudence récente de la Cour de cassation montre que des éléments comme une attestation de cession et le comportement ultérieur du cédant peuvent constituer des preuves suffisantes. Ainsi, même sans acte signé, une cession de parties sociales peut être validée dès lors que l’échange des consentements est prouvé et corroboré par des faits précis.